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 La Femme au bas de l'escalier.

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2 participants
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Lambègue
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Lambègue


Messages : 215
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MessageSujet: La Femme au bas de l'escalier.   La Femme au bas de l'escalier. Icon_minitimeLun 17 Jan - 19:46


Note d'intention
Encore un texte qui parle de mort, je m'excuse, je suppose que ma promesse n'est pas vraiment tenue. Ceci dit, je ne pensais pas finir ce texte aussi tôt.
Les inspirations sont ici très claire : Sherlock Holmes et Watson ont clairement été repris pour fonder le couple principal de personnages, et il y a beaucoup de points communs. L'aspect plus fantastique est plus inspiré de Jules de Grandin, qui souffre d'un fâcheux manque de notoriété en France
L'enquête en elle même n'était pas ce qui m'intéressait le plus en écrivant ce texte, et j'éprouvais bien plus d'intérêt pour les deux personnages principaux. Cela se ressent probablement un peu, je m'en excuse d'avance pour ceux qui ne seraient pas satisfaits par un final loin d'être aussi épique que ce que l'on pourrait espérer.
Les deux personnages, malgré leur forte inspiration, me plaisent : et je n'aurais rien contre les réutiliser un jour. cependant, j'ai un autre texte en cours, et je vais commencer à sérieusement écrire les articles pour ce forum. Et à y réfléchir, cette nouvelle me plait assez, certains passages me semblent bien réussis, et atteignent mes espérances. D'autres au contraire me semblent un peu mous, mais je suppose que la longueur du texte rend moins simple la préservation d'un niveau égal. Encore une fois cependant, je m'en excuse.
Pour les musiques, je ne parlerais pas, comme pour l'autre, d'un air qui ait inspiré le texte : cependant, lors de son écriture, j'ai écouté plusieurs fois les BO de "Wolfman" et "Sleepy Hollow" de Danny Elfman : et pour le final, le hasard a voulu que j'écoute le complete score de la Communauté de l'Anneau, de Howard Shore, ce qui ma foi dégage une ambiance fort satisfaisante, mais ce n'est pas le lieu pour en parler.
Je vous souhaite une bonne lecture, et attend vos avis.


I

Journal d'Oswald Cobbleput, 14 novembre 1892.

Il est d'après la pendule maintenant bientôt minuit. Il y a trente ans, j'aurais pensé que la vie commençait à cette heure ci, et je me serais réjoui d'une quelconque partie de cartes ou soirée de conversations animées autour d'une bouteille avec mes amis d'alors. La plupart d'entre eux sont morts aujourd'hui, et moi même n'ai plus l'âge de rester éveille jusqu'à une telle heure sans en sentir les conséquence rapidement. Et j'aimerais, tellement, pouvoir aller dans mon lit, et m'endormir calmement.
Cependant je ne peux plus retrouver cette paix que l'homme épuisé trouve, bienfaitrice, alors qu'il sent la douceur de ses draps l'entraîner vers les nimbes obscures de la nuit. Dès que mes yeux se ferment alors même que j'écris ces mots, une vague de panique me les fait rouvrir ; je ne veux plus affronter ce qui m'attend dans mon sommeil, ce rêve ignoble qui chaque nuit depuis plusieurs semaines se fait voir.
J'en ai parlé à Albertson, qui m'a conseillé de faire appel à un professionnel. Il en existe un dont la réputation n'est plus à faire, et je lui ai envoyé un courrier il y a maintenant cinq jours, mais je doute qu'il trouve le moindre intérêt dans la requête d'un vieillard aux frayeurs nocturnes un peu plus développées que la moyenne.
J'essaie de me raisonner, me disant que tout ceci au fond n'a rien de vrai, et qu'il ne s'est rien passé qui puisse laisser supposer que mes songes nocturnes aient une quelconque influence sur ma vie réelle, mais le pouvoir de l'inconscient est d'une rare puissance ; je constate cela un peu plus chaque jour, quand les ombres se font effrayantes dès que je suis seul, quand le moindre bruit dans le château m'apeure. La battisse que j'adorais tant il y a quelques années me paraît désormais bien sombre et sinistre.
Albertson me conseille à nouveau d'aller me coucher. Depuis la mort de ma femme, c'est à lui que j'ai le plus tendance à me confier...Du moins avant que lui même ne soit plus un réceptacle suffisant à ma peur, et que je ne me sente obligé de commencer ce journal. Mais je crois que je vais l'écouter, il a toujours bien pris soin de moi, au cours de ces longs mois passés dans la solitude quasi complète du grand salon que plus personne ne venait vraiment occuper en ma compagnie. Une vieille connaissance parfois, restant quelques heures, le temps de prendre un thé, le repas, ou de dormir quand le voyage l'avait épuisée.
Entre la solitude et l'horreur, le choix se fait de plus en plus complexe.


(Quelques heures plus tard – Quatre heure douze du matin sur la pendule)


C'est revenu. Toujours la même chose.
Je me réveille...Je rêve que je me réveille si l'on tient à la précision, mais tout cela est tellement réaliste...Il n'y a pas un bruit dans le château, la nuit est complète. Derrière mes rideaux je peux voir le parc, plongé dans la pénombre, doucement agité par un souffle de vent. Je suppose qu'Albertson dort, et je me décide à sortir de ma chambre sans bruit, afin de ne pas le réveiller ; le pauvre homme lui aussi commence à connaître les souffrances de la vieillesse.
J'ouvre la lourde porte de ma chambre, qui pour une fois ne grince pas, et commence à marcher dans le couloir, mes pieds sur l'épais tapis écarlate produisant un son feutré et à peine audible. J'avance d'un pas décidé, cependant je n'ai pas la moindre idée de l'endroit ou je vais. Au fil des couloirs...Beaucoup, dans les souvenirs que j'en garde, ce qui me laisse supposer que j'effectue un détour...J'arrive dans le salon. Me déplaçant vers un des murs, je réalise que celui ci s'est ouvert, libérant un passage dont je n'ai jamais supposé l'existence et qui, je l'ai vérifié de nombreuses fois, demeure introuvable dans la journée, quand je suis en état de veille.
J'entre dans ce passage, descend un escalier humide ; cela me semble normal, le château près des sous sols est toujours victime d'infiltrations, heureusement sans danger pour le moment. Au bas des marches, je parcours un couloir, voyant au loin une autre porte, de bois celle la. Arrivé devant, je l'ouvre, doucement, ma main tremblant ; pas à cause du froid, mais par ce que je sais déjà ce que je verrais derrière.
A la lumière de quelques lanternes posées sur le sol, dans une salle au sol de pierre sales et humides, je vois la silhouette pendue de ma fille.


(Plus tard encore, je ne me suis pas rendormi)

Je vais relancer ce professionnel. Son intervention me serait salvatrice, à n'importe quel prix.


II

Holster reposa le cahier qui faisait office de journal de Cobbleput, étant arrivé à la dernière page écrite. Il posa son regard sur le vieil homme assis face à nous. Il était visible sur son visage que notre client n'avait pas dormi depuis plusieurs jours, ou très peu ; de lourdes cernes assombrissaient l'ensemble de sa figure ridée, et il ne restait plus qu'un peu d'espoir dans ses yeux quand il regardait mon ami. Celui ci ne laissait rien deviner de ce qu'il pouvait penser, comme il en avait l'habitude. Il conserva le silence, tandis que le vieillard s'agitait dans son fauteuil, visiblement gêné par le silence qui s'était installé. Je reprit une gorgée de l'excellent whisky qu'il nous avait servi, et la savourait en attendant que l'un des deux parle. Ce fut finalement Cobbleput qui dit, d'une voix faible et tremblante :
« Alors, Monsieur Holster, qu'en pensez vous ? »
Mon ami ne put retenir un sourire alors qu'il sortait de son mutisme.
« Beaucoup de bien de la dernière phrase, cher Monsieur. » Puis il se tut. Son interlocuteur ne répondit pas, profondément déstabilisé par la phrase d'Holster. Je suppose que dans un tel état nerveux, il en faut peu pour réduire à l'impuissance, et la vue même de l'enquêteur était impressionnante. D'une taille peu commune, il était aussi très maigre, silhouette d'apparence fragile, mais laissant deviner une force psychologique des plus grandes. Doublée malgré les apparences de capacités physiques particulièrement bonnes, qui avaient toujours su m'impressionner malgré mes efforts pour rattraper au moins en partie son niveau.
Finalement, Holster se recala dans son fauteuil, verre de whisky à la main, et prit son air le plus concentré.
« Monsieur Cobbleput, pouvez vous me dire exactement depuis quand ce rêve revient ?
-Je n'ai malheureusement pas relevé la date exacte, et je ne parviens plus à m'en souvenir. »
Mon ami soupira « Alors approximativement »
« Je suppose que cela a commencé début octobre. Je ne m'en suis d'abord pas inquiété, les rêves, aussi terrifiants soient-ils, sont le lot de tous... »
Sa voix s'éteignit lorsqu'il vit le geste lassé de mon camarade, qui avait fermé les yeux en buvant une nouvelle gorgée de son verre. Il demanda, sans soulever ses paupières ;
« Avez vous connaissance d'un quelconque passage secret ou souterrain dans ce château ? 
-Pas que je sache. Enfin, il y a bien plusieurs caves dans ce château, mais je suppose que ce n'est pas ce que vous recherchez.
-effectivement, non.
-Peut être que des plans du château vous aideraient...?
-Je voudrais tous les voir, effectivement. Même les plus anciens, si vous les possédez encore, s'il vous plait.
-Albertson vous les déposera dans votre chambre ».
Le majordome, derrière notre client, s'inclina légèrement en signe d'assentiment.
« Montrez moi avec toute l'exactitude dont vous êtes capable l'emplacement de l'escalier dans votre rêve. C'est dans cette pièce, d'après ce que j'en ai compris ? »
Le vieil homme hésita, visiblement effrayé. Mon ami ne bougea pas, se contentant d'ouvrir les yeux et de fixer Cobbleput d'un air sévère et interrogateur. Ce regard se chargea d'impatience au fil des quelques secondes qui passèrent avant que le propriétaire du château ne se décide à se lever. Il se dirigea vers le mur le plus éloigné du coin ou nous étions installés, et je supposais que la promiscuité de la cheminée n'était pas la seule raison de l'aménagement actuel des fauteuils de la pièce. Arrivé à ce mur, il délimita un espace de trois mètres de large environ, tout en levant un bras afin de tenter de nous donner une idée de la hauteur du passage. Pas une seule fois il ne toucha le mur. Il revint d'un pas précipité, jetant un regard par dessus on épaule, comme s'il s'attendait à ce que son geste n'ait dévoilé le passage. Après qu'il se fut rassit, mon ami reprit son interrogatoire.
« Des nouvelles de votre fille ?
-Je ne l'ai pas vue depuis presque onze mois maintenant. Elle ne vient ici que pendant les périodes de Noël, elle habite sur Londres et le voyage n'est pas évident avec les enfants. Elle reste pendant quelques semaines, avec son mari... »
Encore une fois, un geste lassé de mon ami l'interrompit.
« Mais je suppose que vous avez de ses nouvelles au cours de l'année ?
-Quand j'ai réalisé que le cauchemar revenait chaque nuit, je lui ai envoyé une lettre afin de lui demander comment elle se portait. Je n'ai pas révélé la raison exacte de ma question évidement, je ne voulais pas l'inquiéter inutilement. Sa réponse n'a pas tardé, elle se porte très bien, et aucun problème ne semble la perturber. »
Malgré moi, je poussais un faible soupir soulagé. Holster me fixa sévèrement.
« Wilkinson, vous êtes un idiot. Si cette dame Fille Cobbleput a la moindre éducation, elle ne voudrait pas inquiéter son père avec des problèmes bénins tels un cauchemar récurent. Cela serait parfaitement compréhensible, et l'entreprise épistolaire de notre client en devient parfaitement inutile. » Il se tourna vers le vieil homme, qui avait rougi de honte, et continua, sans adoucir son ton : « Cependant, c'était visiblement la seule chose à faire. Mis à part nous appeler, Monsieur Cobbleput, et je pense que vous vous y prenez un peu tard. Nous sommes le 19 novembre ? Oui ? Si phénomène anormal il y a, alors plus d'un mois et demi s'est écoulé depuis les premiers symptômes. C'est beaucoup, surtout si une vie est en jeu. » Il soupira, et observa un bref silence : « Je vous remercie, j'accepte la mission au tarif proposé sur votre seconde missive ; une chance pour moi qu'elle soit arrivée avant mon départ, j'étais prêt à accepter la somme indiquée sur la première lettre, mais ce nouveau salaire me semble tellement plus satisfaisant ! N'est ce pas, Wilkinson ? »
J'éprouvais un certain mal à sourire avec mon compagnon ; mes nerfs avaient toujours été plus sensibles que les siens, question d'habitude ou de discernement, je ne saurais le dire.
« Si cela vous convient, monsieur Holster, je vais donc m'excuser et vous laisser. Je ne pense pas dormir longtemps, mais je ne tiens plus.
-Ce bon vieux Wilkinson va bien vous trouver quelque chose...Qu'avez vous dans votre mallette pour endormir ce brave Oswald ? »
Ce que j'avais se résumait à de simples barbituriques, dont notre client prit une quantité fort respectable avant de se retirer. Albertson le suivit de près, après nous avoir salué. Dès que nous fûmes seuls dans la pièce, Holster se redirigea vers le mur, et l'étudia avec attention, le regardant et le touchant, d'abord dans la zone indiquée par Cobbleput, puis partout autour. Après plus de dix minutes, il revint s'asseoir à mon coté, et remplit nos deux verres de Whisky grâce à la bouteille laissée sur la table de nos hôtes.
« Rien du tout, ce mur ne semble dissimuler aucun mécanisme, Wilkinson !
-C'est à croire que Cobbleput a imaginé tout cela.
-Oui, mais ça, nous savons tout deux que c'est faux, n'est ce pas ?
-Je vous avouerais que j'en doute. J'ai déjà pu observer vos talents, aucun mécanisme ne vous a jamais échappé au cours des enquêtes que nous avons pu vivre ensemble. Je m'en rappelle pourtant de fort complexes, comme celui du coffre de la Contesse de Winchester, ou celui de la cave de ce responsable de distillerie... 
-Un très bon souvenir, ce dernier. »
Cette fois ci je ne put retenir un sourire. C'était une de nos missions qui avait eu le plus de bons cotés, à travers son environnement comme dans ses péripéties.
« Effectivement, je ne pense pas me vanter en disant que j'ai un talent particulièrement développé en ce qui concerne la détection des mécanismes en tous genres, reprit mon ami avec sérieux. Mais maintenant que nous avons entrepris de nous déplacer jusqu'ici, je compte bien faire toutes les recherches nécessaires...Et au fond, je pense que même si vous n'aviez pas été la, cette lettre aurait fini par m'attirer dans ce château...Son contenu, enfin...
-Je ne vois vraiment pas bien ce qui vous semble si attirant, Holster.
-Simplement les rêves. Il arrive qu'un rêve se répète de temps en temps, mais toutes les nuits, le phénomène serait nouveau ; naturel ou non, il mérite donc notre attention, que ce soit en tant qu'enquêteurs ou comme simples curieux. Si l'on ne découvre rien qui indique une origine étrange à ces symptômes, ce sera toujours l'occasion pour vous d'écrire un bel article, à défaut d'un mémoire sur ce que vous appelez mes exploits. Il semble que je ne puisse résister à cette attirance pour l'étrange...Peut être ma plus grande faiblesse...Mais bastes, j'ai un ami fidèle qui est la pour me surveiller, non ? »
Il me sourit. Je pris ça comme un remerciement pour lui avoir suggéré cette affaire, et l'enquêteur était tellement peu du genre à congratuler les autres que je m'en sentis flatté.
« C'est un plaisir, Holster.
-Allons, prenons les choses comme elles viendront...Je pense que nous pouvons aller nous coucher, nous ne découvrirons rien de plus ce soir...Et une bonne nuit après ce voyage ne sera pas de trop. »
Il finit son verre et se leva.
« Et puis, ce château est magnifique, vous ne trouvez pas ? »
Sans attendre de réponse, il sortit de la pièce. Je restais assis, regardant fixement mon verre. Non, ce château me semblait simplement sordide ; peut être effet seulement des dires et de l'état de Monsieur Cobbleput, mais je ne me sentais nullement à l'aise. Je finis rapidement mon verre, et me dépêchai d'aller dans la chambre qui m'avait été préparée.


III

Nous avions reçu la première lettre de Monsieur Cobbleput le douze novembre : lorsque nous étions à notre domicile Londonien, j'assumai bien malgré moi les fonctions de secrétaire de Holster, et je m'occupai donc chaque jour de la lecture du courrier. Depuis une semaine, cette tâche était peu conséquente : il semblait que la ville était particulièrement calme, et les trois demandes d'aide que nous avions reçues auraient aussi bien pu être données directement à un dératiseur.
Si ce calme à Londres était plutôt rassurant, il ne convenait pas du tout à mon ami. Celui ci, plongé dans l'inactivité et sans aucune affaire sur laquelle se concentrer, s'était plongé dans un mutisme maussade, et je ne le voyais que rarement quitter sa chambre. Cela faisait maintenant cinq jours qu'il n'était plus sorti de notre appartement, et son humeur devenait difficilement supportable, malgré l'habitude que j'en avais.
Je décidai donc rapidement de défendre le courrier d'Oswald Cobbleput face à mon ami : je ne sentais pas la une affaire réellement complexe, mon talent pour détecter les cas intéressant étant fort limité, mais je pensais que quitter quelques jours la ville lui ferait le plus grand bien. C'est pourquoi, alors qu'il avait posé la lettre à coté d'une pile d'autres papiers à l'utilité douteuse après l'avoir lue sommairement, je demandais à Holster ce qu'il comptais faire.
« Ma foi, je ne sais pas, Wilkinson. Que pensez vous de tout cela ?
-Je pense que c'est ce que nous avons eu de plus intéressant depuis plusieurs jours.
-Et vous avez parfaitement raison...Ceci dit, quitter Londres m'ennuie.
-C'est un cas qui nous serait bien payé, nous ne pouvons négliger cela au vu du peu de services qui nous sont demandés actuellement.
-Matérialiste, hein ? J'apprécie la remarque...Cobbleput, un nom fameux, je crois ?
-C'est une famille fort honorable.
-Et qui a fait fortune depuis plusieurs générations, tout en continuant à s'enrichir...Oswald, de ce que j'en sais, a gagné beaucoup d'argent aux Indes. Ses affaires la bas fleurissent d'ailleurs toujours, même s'il ne se déplace plus...Ne me regardez pas comme ça, Wilkinson, c'était écrit dans un de ces journaux... »
Il désigna du doigt l'amoncellement de papier sur lequel il avait jeté la lettre.
« Dois-je répondre par la positive, Holster ?
-Pas pour le moment, pas encore...Attendons quelques jours. Si l'affaire est vraiment sérieuse, Cobbleput nous relancera probablement. Auquel cas nous saurons qu'il est utile de nous déplacer, et que les symptômes décrits ici ne sont pas exagérés, et qu'il juge notre déplacement salvateur. Au vu de sa fortune, il est même possible qu'il nous propose une somme supérieure à celle déjà coquette suggérée par cette lettre...Toujours positif, n'est ce pas ?
-Je suppose, mais est-il vraiment correct de jouer ainsi des peurs de vos clients ? De plus, nous n'avons rien à faire sur Londres...
-Oui, mais vous tenez à la main une lettre de Scotland Yard.
-Si elle est du même cru qu'habituellement, il est même inutile de la lire.
-Mon ami, c'est la que l'on remarque vos faiblesses...L'écriture sur l'enveloppe est celle de l'inspecteur Norrington. Il est vrai qu'il passe rarement par les courriers officiels pour faire appel à nos services, mais toutes les affaires qu'il a pu me proposer présentaient un certain intérêt. C'est un homme assez intelligent, et il est capable de résoudre seul les problèmes les plus courants. D'ailleurs, il n'a pas eu besoin de notre aide depuis une bonne année...L'affaire des Diamants Lumineux...
-Je dois reconnaître que c'était une des plus intéressantes de l'année passée.
-Lisez ce courrier, et répondez y par la positive. Nous allons rester quelques jours sur Londres, puis nous nous rendrons chez ce monsieur Cobbleput... Au fond, la région qu'il habite est assez jolie, et s'il n'y a nulle enquête à faire, nous pourrons au moins profiter du paysage.»
Le 18, alors que notre enquête en compagnie de Norrington touchait à sa fin avec le succès relaté alors par les journaux, nous reçûmes le second courrier de Cobbleput. Holster décida de partir dès le lendemain, à la première heure. Dans un soucis de politesse, il rédigea une lettre prévenant de notre arrivée, qu'il décida de remettre personnellement à Cobbleput.

IV

Le lendemain, je me levais comme à mon habitude à l'aube. Je sortit de ma chambre et me rendit directement à la porte de celle de Holster. Je toquai, sans obtenir de réponse. Alors que j'allais m'éloigner, la porte s'ouvrit, et je vis mon ami, ayant passé vaguement une robe de chambre par dessus son habit, les yeux rougis et empestant la fumée, signes indicateurs qu'il n'avait pas dormi de la nuit.
« déjà l'aube, Wilkinson ? Ces plans sont passionnants, je n'ai pas vu le temps passer, mais venez voir ça...Ne faîtes pas attention à l'odeur, une petite expérience personnelle d'identification des fumets dégagés par différents types de feux...Très intéressant, je vous en ferait part...Mais à une autre moment, entrez, allez, je vous ai connu plus vif ! »
Il retourna dans sa chambre d'un pas vif. Je le suivais, plus hésitant devant l'étalage de matières à moitié brulées qui s'étalaient à travers la pièce. Celle ci, qui la veille au soir devait encore ressembler à la chambre qui m'avait été donnée, portait maintenant les traces claires du séjour de mon ami : je réalisais alors pleinement quelle était l'ampleur du travail de notre logeuse quand elle devait nettoyer l'appartement que je partageai avec Holster. Ses expériences personnelles étaient de genres aussi divers qu'improbables, mais Holster prétendait que c'était en multipliant de telles expériences que l'on emmagasinait la science nécessaire pour régler toutes sortes de cas. Sur cela, il avait raison, et à plusieurs reprises ses connaissances acquises lors de ses nuits de travaux bizarres aidaient à démêler un problème conséquent. Je ne protestai donc pas au vu de l'état de la chambre, habitué que j'étais aux frasques de mon ami, et sachant que ses notions de la politesse étaient tout à fait personnelles. La plupart du temps, d'ailleurs, je faisais en sorte de ne pas loger chez nos clients, mais Monsieur Cobbleput avait insisté pour que nous restions dans son château.
« Il y a un problème ?
-Je m'étonnai juste de votre rapidité extraordinaire pour vous approprier un lieu. On croirait voire notre appartement...
-Eh bien, je me dois de travailler confortablement, afin d'être suffisamment efficace...Mais allez, venez, faîtes attention aux tas de cendres par terre, c'est très important, je ne les ai pas encore tous classés... »
Je regardai mes pieds en entrant dans la pièce, évitant de peu deux des petits entassements noiratres. Sur un coin étonnement dégagé se trouvaient les plans dépliés ; Holster alla dans cette direction, et alluma plusieurs bougies en dépit de la lumière maintenant assez vive provenant de l'extérieur.
«Venez, et fermez la porte, vous allez attraper froid, mon ami ! »
Je me rendis à ces cotés, et examinai à mon tour les plans. Ceux ci étaient complexes, et j'abandonnais directement tout espoir de les retenir : je supposai que Holster l'avait déjà fait, et qu'il aurait pu me parler même sans les papiers sous les yeux. Étant arrivé de nuit, je n'avais pu me rendre compte la veille de la grandeur du château ; au vu des plans, il semblait que celui ci comptait de nombreuses pièces, sur trois étages, auxquelles on devait ajouter un total de six caves disséminées à travers la battisse.
« Magnifique bâtiment, n'est ce pas ? Plein de possibilités !
-M'est avis qu'il serait aisé de s'y perdre.
-Bien sur, bien sur, c'est pour cela que je n'ai pas commencé mon investigation hier, il me fallait connaître ces plans afin de pouvoir travailler avec la plus grande efficacité, fermez moi cette porte enfin, ce papier a failli brûler ! »
Je fis ce qu'il me demandais, et retournai à son coté. Il posa un doigt sur une salle de grande taille, au rez de chaussée.
« Voici le salon, regardez, juste à droite du hall d'entrée. Bien, mon ami, considérez un instant l'organisation de la pièce, en entrant dans le salon, à gauche vous trouvez la cheminée ; elle est au centre de ce pan gauche, légèrement plus vers la porte vous trouverez le coin ou Cobbleput a installé son salon, probablement depuis peu, dans une telle salle on aurait plutôt tendance à mettre les conforts au centre de la pièce. En face de la cheminée, le mur sépare la pièce d'un couloir...Comme indiqué ici, qui conduit aux cuisines. Ainsi, nous pouvons mettre hors de cause le mur d'entrée et ce mur, j'ai vérifié, ils n'ont pas l'épaisseur nécessaire pour abriter un souterrain ou un passage dissimulé. J'ai également examiné la cheminée, ces modèles ci ont des tuyaux très étroits ; pas de quoi pratiquer un passage praticable, mais le reste du mur pourrait être parfaitement suspect.
-Sauf que ce n'est pas la que Cobbleput voyait son escalier fantôme.
-Effectivement, effectivement, mais mieux vaut bien connaître une pièce. C'est la que je commence à me poser des questions, Wilkinson. Le seul mur suspect de la pièce n'est pas celui ou serait le passage. En face du mur à l'escalier, il y a une chambre, donc normalement pas assez d'épaisseur pour un passage...
-Que faisons nous, alors ?
-Prenez du papier et de quoi écrire ! De mon coté, je vais recourir aux vieilles techniques d'étude du terrain...Prenez les plans, aussi ! Et Éteignez ces bougies ! »
Il fourra dans une sacoche un énorme ruban gradué, prit plusieurs lampes, ainsi que son habituelle loupe. En sortant, il ramassa d'un geste décidé son revolver.
« Prenez le votre, on n'est jamais trop prudent, et dépêchez vous, bon sang, c'était bien la peine de se lever à l'aube ! »
Je ne me pressais pas pour récupérer mon arme, habitué que j'étais aux changements abrupts d'humeur de mon compagnon. Je suppose qu'Alfredson fut plus surpris que moi quand il le vit sortir tel un diable de sa boîte, avant de se rendre compte de l'état de la chambre. J'adressais un sourire au majordome, tandis que de loin, Holster lui hurlez :
« Dîtes à votre maître de ne pas venir au rez de chaussée, nous serons en train de travailler, ne dérangez rien dans ma chambre et vous, Wilkinson, il vous faut tant de temps que ça pour prendre votre arme ? »


V

Holster mesura avec précision les quatre murs du salon, en silence, ne m'indiquant qu'une mesure de temps en temps. Sa tâche achevée, il récupéra les plans sur la table, les regarda fébrilement, avant de les jeter à terre avec un soupir de lassitude.
« Ma mémoire ne me trompe pas, malheureusement ! Les tailles correspondent bien à ce qu'indiquent les plans ! Tragique, Wilkinson, cela m'aurait bien arrangé. Cobbleput m'assurait que ces dessins étaient d'une très grande précision, et je veux bien le croire, le plus ancien semble être l'original utilisé par l'architecte de ce château, et les autres sont des reconstitutions exactes, à quelques réaménagements près, mais la vision d'ensemble... j'ai passé une partie de la nuit à m'en assurer.
-Je trouve ça plutôt rassurant de posséder des plans sans erreurs.
-Sans erreurs, c'est excellent, je n'irais pas dire le contraire. Ce n'est d'ailleurs pas cela que je recherchais, mais bien plutôt une indication sur ces papiers. Un mur trop épais, une cloison inexistante, ce ne sont pas les possibilités qui manquent.
-Peut être en allant dans la chambre de l'autre coté du mur verrions nous quelque chose...
-Bien évidement, nous allons le faire, mais quelle déception ! Vous ne trouvez pas que cela aurait été fantastique de découvrir la clé de cette histoire après juste douze heures d'investigation ?
-Nous n'aurions jamais fait mieux.
-Si, une fois de mon coté, mais je crois que vous étiez absent. Je vous raconterez cela un jour, c'est une histoire assez intéressante qui ne manquerait pas de vous fournir matière à une nouvelle chronique. Cependant, nous nous égarons, comment accéder à cette chambre ? »
Je savais que la question ne m'était nullement adressée, et qu'au moment ou il la posais il revoyait déjà intérieurement les plans, afin de localiser exactement toutes les voies d'accès à la chambre. De mon coté, je repris les plans à terre, et les regardais, pour la première fois avec une réelle attention. N'entendant plus rien de la part de Holster, je finis par laisser de coté mon étude, et le vit, debout et immobile, réfléchissant intensément. Je connaissais cet état ; quelque chose venait de lui apparaître comme anormal. Je regardais avec plus de fébrilité encore les plans ; la chambre mitoyenne du salon, d'une longueur de 18 mètres sur douze d'après les plans de mon compagnon, avait sur les plus anciens deux portes d'accès, dont une donnant sur le couloir conduisant aux cuisines ; probablement une chambre aménagée pour les domestiques. Cependant, sur le plan le plus récent, vieux de presque quatre-vingt ans, l'on pouvait observer que cette porte avait été condamnée. Je levais les yeux vers mon camarade.
« Trouvez moi Albertson. Au plus vite, allez ! »
Il avait crié sur les derniers mots. Je sortis donc en courant de la pièce à la recherche du majordome. Celui ci remontait l'escalier, portant les affaires de son maître. Il se retourna brusquement en m'entendant arriver.
« Je m'excuse, monsieur Wilkinson, mais Monsieur Cobbleput veut absolument passer ses habits, et il m'a bien fallu descendre...
-Ce n'est pas la question, Holster veut vous voir. »
Le majordome resta immobile, hésitant entre rejoindre son maître et aller voir l'enquêteur.
« Vite, il semble que ce soit très important ! »
Cela le décida ; il posa les affaires à terre, avec empressement quoi que proprement, et courut à ma suite vers le salon. Mon camarade y faisait les cent pas, et il aborda Albertson dès son entrée dans la pièce.
« Dans le couloir menant aux cuisines, y a-t-il des portes ? »
La question surprit le majordome, mais il en réalisa le sérieux en voyant le regard fiévreux de Holster.
« Il y en a deux, une conduisant à une sorte de remise...Je crois qu'elle faisait office de salon des servants à l'époque de feu Père Cobbleput, mais mon maître a préféré offrir aux majordomes de moins en moins nombreux une chambre personnelle.
-L'autre, l'autre !
-L'autre conduit à la réserve de nourriture. On doit descendre quelques marches avant d'y accéder, nous y emmagasinons souvent de quoi tenir une saison en viandes.
-Ces deux portes sont indiquées sur les plans...
-Probablement, Monsieur.
-Aucune autre, vous êtes sur ? Même condamnée ?
-Non, Monsieur, je vous en donne ma parole.
-Wilkinson, nous tenons une piste ! Cette porte a été condamnée, mais on a pris également soin de murer son emplacement. Probablement du beau travail, celui qui a fait ça voulait dissimuler toute possibilité de savoir qu'il y avait autre chose qu'un mur ici...Dommage pour lui qu'il ait tenu à garder les plans.
-L'esprit de la famille Cobbleput se veut conserver toutes les archives, Monsieur.
-Vous êtes encore la ? Sortez, Albertson, allez vous occuper de votre maitre, et merci de votre collaboration ! Wilkinson, vous ne semblez pas partager mon enthousiasme.
-J'avoue ne pas bien comprendre ou vous voulez en venir. Certes cette porte a été murée, mais cela peut être un simple soucis esthétique. D'ailleurs regardez, il y a une deuxième porte dans la pièce, et rien ne nous dit qu'elle soit elle aussi condamnée.
-Non, surtout pas le plan. Mais suivez un peu l'itinéraire à parcourir ; cette autre porte conduit à une seconde chambre, qui elle aussi à une seconde issue, conduisant à une troisième pièce, un boudoir si je me souviens bien. Et cela se répète un grand nombre de fois, avant de finalement déboucher sur deux couloirs différents, il y a plusieurs embranchements à travers le parcours, mais la plupart débouchent au même endroit. »
Je suivais une partie de l'itinéraire d'accès à la chambre qui nous intéressait, et effectivement aucune porte ne débouchait sur un couloir dans le peu que je regardais.
« C'est très étrange, effectivement, ce château me semblait pourtant un modèle d'architecture et d'organisation.
-C'en est un ! Ceci est le seul élément qui viendrait le démentir, sauf si nous considérons que c'est parfaitement volontaire.
-Je suppose donc que nous allons encore mesurer ?
-Ramassez tous vos papiers, Et suivez moi. »
Alors que je suivais mon camarade en courant vers la première pièce par laquelle nous devions passer, la sonnette retentit. Albertson arriva rapidement, se dirigeant vers la porte d'entrée. Holster s'arrêta, regardant vers la porte.
« Mon dieu, Wilkinson, j'ai bien peur de savoir qui arrive.
-Un coupable, déjà ?
-Bien pire : une victime. »


VI

Ines Cobbleput était une femme d'un peu plus de trente ans, à l'attitude noble, d'une beauté chaleureuse la rendant immédiatement sympathique. Son père, apparu au haut de l'escalier, curieux de voir qui arrivait ainsi, se précipita vers elle, la prenant avec ravissement dans ses bras. Je fus soulagé de voir qu'effectivement la jeune femme avait l'air de se porter bien, malgré une fatigue apparente due au voyage. Holster, de son coté, observait la scène immobile, froidement furieux.
« Je ne t'attendais pas si tôt, Ines ! Et ou est Franck ? Et les enfants ?
-Ils arriveront dans deux semaines. J'ai reçu un courrier d'Albertson, il disait s'inquiéter pour toi. Ta dernière lettre me semblait déjà plongée dans une certaine anxiété, j'ai donc arrangé mes affaires à Londres avant de venir...
-Entre, entre ! Viens en haut...Ces messieurs travaillent dans le salon.
-Nous en avons fini avec le salon, merci », dit froidement Holster.
Avec une joie immense, Cobbleput conduisit sa fille au salon, semblant presque oublier qu'il en avait une peur panique encore la veille. Dès qu'il fut sorti, Holster se précipita sur Albertson, et attrapa brutalement le vieux majordome.
« Imbécile ! Pourquoi diable l'avez vous prévenue ?
-L'état de monsieur était tellement mauvais, je pensais que de voir sa fille arrangerait les choses...
-Sa fille est celle qu'il a vu comme victime, maintenant qu'elle est ici nous devons achever tout cela au plus vite ! Wilkinson, suivez moi, je craint que cette regrettable erreur n'ait réduit extrêmement le temps que nous avons pour empêcher un drame. Courrez, mon ami ! »
Il repartit plus vite que jamais. Je le suivis à travers une série de couloirs et de pièces diverses, plus d'une dizaine, avant de finalement arriver dans la chambre recherchée. Tandis que je reprenais mon souffle, Holster commençait déjà à prendre ses mesure. Je regardais la pièce ; il semblait que personne n'y étais venu depuis un certain temps, et absolument rien ne l'indiquait comme apte à recevoir quelqu'un dans les prochains jours.
Il m'indiqua que la pièce, entre le mur qui la séparait du salon et le mur opposé, mesurait exactement quinze mètres trente ; je réagis aussi vite que lui en me redressant brutalement, le regardant. Nos yeux se rencontrèrent, brillants d'excitation et de satisfaction.
« Holster, c'est magnifique. Je crois que cette histoire trouvera bien vite sa conclusion !
-J'en ai bien l'impression moi aussi, mon brave et fidèle associé. Allons, nous ne ferons pas dans la subtilité, voyons si ce bon monsieur Cobbleput a des masses dans son château ! »
Il ressortit en courant. Je le suivais de près, afin de ne pas passer plusieurs minutes laborieuses à retrouver mon chemin dans cet enchevêtrement de pièces diverses et probablement peu fréquentées pour la plupart. Nous nous rendîmes directement dans le salon, ou notre client discutait avec sa fille. Ils levèrent les yeux à notre entrée.
« Ah, Monsieur Holster, je discutais justement avec ma fille, j'ai bien peur de vous avoir fait appel pour rien, elle se porte parfaitement bien, et tout ceci n'était probablement que phobies d'un vieillard un peu sénile.
-Votre fille ? Enchanté, enchanté, nous n'avons pas eu le temps de parler tout à l'heure madame, je m'en excuse encore, monsieur Cobbleput, auriez vous par hasard des masses à disposition ?
-Et pourquoi faire ?
-Enfoncer ce mur suspect, j'ai bien l'impression que le mécanisme du passage secret a été savamment rebouché, en même temps qu'étaient effectués différents petits travaux dans la pièce opposée.
-Monsieur, je trouve votre demande parfaitement indécente ! Ce château est la fierté de ma famille, et je ne vous permet pas de détruire la moindre parcelle de celui ci. »
Mon ami se refroidit aussitôt. Il regarda notre client, puis sortit de la pièce, lançant à Albertson en passant devant lui ;
« Allez me chercher ma veste, et mon argent, celui que je n'ai pas brûlé, sur le bureau à coté des allumettes. »
Le majordome, qui semblait commencer à s'habituer aux ordres étranges de mon camarade, se précipita en direction de la chambre de celui ci. Holster attendit dans le hall, pressé, son corps fin agité de gestes d'impatience. Quand Albertson revint, il lui prit des mains veste et billets, et sortit tout en enfilant son habit. Je saisit ma canne et mon chapeau que j'avais laissé dans le hall, et suivais mon ami.
« Attendez moi, voyons ! Ne soyez pas fâché ! »
Ce ne fut que quelques minutes de marche rapide, alors que nous ne pouvions plus être vus du château, que mon ami se tourna vers moi, souriant ;
« Mais je comptais bien que vous alliez me suivre, Wilkinson. Nous avons quelques petites affaires à régler, des vérifications que je voudrais faire pour ce que seul un imbécile percevrait comme une bagatelle. »
Nous arrivâmes rapidement au village, d'où nous primes une calèche afin d'accéder à la ville. Celle ci était située à un peu plus d'une demi heure en calèche du village, et restait d'une taille fort limitée. Cependant, elle semblait fort agréable, et j'oubliai presque un instant les raisons de notre venue ici.
« Étonnant, n'est ce pas, comme un changement d'air, nous soulage ! »
Mon ami me fixait en souriant, visiblement amusé. Je me remis bien dans mon siège, vaguement honteux.
« J'avoue que l'atmosphère dans ce château est loin d'être des plus agréable à mes yeux, Holster, et je suis fort content d'en sortir un peu.
« C'est fort compréhensible....Et je ne vous blâme pas. Pensez vous que l'on trouverait un spectacle distrayant dans cette ville ?
-Non, probablement pas. Rien de votre goût, en tous les cas.
-Je crois, mon vieux, avoir de nombreux talents : mais le bon goût en matière de spectacles n'y est pas. Bien sur, je saurais juger s'il s'agit de musique, vous le savez comme moi, mais pour ce qui est du théâtre, tout me semble aussi distrayant que parfaitement insignifiant. »
J'eus une grimace au souvenir de certains spectacles auxquels m'avait conduit mon ami sur une impulsion soudaine, alors même qu'une de nous enquêtes était en cours, le plus souvent. Je savais qu'il cherchait lors de ses affaires à se détendre dès qu'il en avait la possibilité, appréciant le fait de pouvoir laisser de coté un instant les graves problèmes qui rendaient nécessaire notre intervention. De mon coté, je ne parvenais jamais à oublier vraiment un cas, et même la meilleure distraction n'effaçait pas tout à fait de mon esprit l'angoisse que me procuraient une grande partie de mes aventures avec l'enquêteur. Ainsi, les spectacles désastreux, poussant le populaire jusqu'au mauvais goût, qui constituaient la majorité des choix de Holster, me semblaient particulièrement longs et désagréables.
Mon ami éclata de rire.
« Je vois que vous vous accordez avec moi sur ce point ! Mais enfin, je suppose qu'il n'y aura effectivement rien à voir ici...Et je ne suis pas sur que nous ayons vraiment le temps, avec l'arrivée de la fille Cobbleput...Quel dommage, tout de même, alors que tout aurait pu se passer assez calmement... »
Holster demanda au conducteur de nous déposer devant le cabinet de police, et de nous y attendre. Nous entrâmes dans le bâtiment, et nous dirigeâmes vers un fonctionnaire à l'air morose derrière un bureau.
« Bonjour monsieur, auriez vous dans ce bâtiment la moindre trace d'arbre généalogique complet des familles de la région ? »
L'homme au bureau nous regarda d'un air courroucé, semblant nous reprocher d'avoir troublé ses habitudes.
« Et avez vous la moindre permission de consulter ces documents ?
-Aucune.
-Êtes vous d'une des familles nobles des environs ?
-Pas le moins du monde.
-Faîtes vous partie de la Cour ?
-Grand dieu, non !
-Ou des services officiels de la police ?
-Encore moins, cher Monsieur.
-Nous ne pouvons donc pas accéder à votre requête.
-Je pense qu'il y a tout de même une chose que je me dois de préciser ; je m'appelle Edgard Holster. »
Son interlocuteur sursauta. Son regard changea, témoignant maintenant le respect, et presque la crainte.
« Le célèbre Edgard Holster ? Vraiment ?
-J'en suis du moins convaincu, et je serais reconnaissant à mon camarade Wilkinson ici présent de me détromper si ce n'était pas le cas.
-Mon supérieur se fera un plaisir de le recevoir, dès la fin de ses occupations actuelles.
-Et je serais ravi de le rencontrer, cependant vous m'excuserez quelques minutes, le temps d'effectuer des achats...Je profite que votre chef ne soit occupé. Wilkinson, attendez là, et excusez moi auprès du supérieur de ce sympathique personnage s'il arrive durant mon absence. »
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MessageSujet: Re: La Femme au bas de l'escalier.   La Femme au bas de l'escalier. Icon_minitimeLun 17 Jan - 19:47

VII


Mon ami revint quelques minutes plus tard. Durant ce laps de temps, le bureaucrate avait délaissé ses fonctions afin de m'interroger sur les différentes affaires que j'avais pu chroniquer, mais aussi sur le cas des archives du Commissaire Eastlander, histoire ayant circulé dans la police du pays mais que je n'ai encore pas racontée de par le tragique de son déroulement.
« C'est fort dommage, car il semble que votre ami y ait fait preuve d'un génie particulièrement éblouissant », disait le policier quand Holster revint, portant dans chacune de ses mains une lourde masse, et ses poches de veste gonflées au maximum.
« Excusez moi, ou pourrais-je déposer cela ? Dans votre armoire de travail, vous êtes sur que cela ne vous dérange pas ? »
Le brave homme semblait honoré de l'intérêt que portait Holster pour son armoire, et j'eus un sourire en le voyant aider avec zèle mon ami à déposer les deux masses. Mon camarade vint ensuite se placer à mes cotés.
« Des masses, lui chuchotais-je, n'avez vous pas peur de la réaction de Monsieur Cobbleput ?
-Ne vous en faîtes pas, si tout se passe comme je l'ai envisagé, il devrait se rendre compte trop tard de notre désobéissance. Voilà monsieur le commissaire ».
Le Commissaire Windmill était un homme corpulent, au visage rougeaud et rond, avec une imposante moustache noire. Ses yeux s'éclairèrent quand il nous vit, et il vint vers nous en tendant sa main, avec un grand sourire.
« Messieurs Holster et Wilkinson, je suis très honoré de vous rencontrer. En quoi puis-je vous aider, demandez, je vous en prie !
-Je voudrais vérifier quelque chose dans la généalogie de Monsieur Cobbleput.
-Ah, une de vos théories dépend de cela ?
-Oui, et j'espère très honnêtement commettre la une erreur.
-C'est chose rare que vous vous trompiez.
-D'autant plus que votre connaissance de ma carrière dépend beaucoup des récits de mon compagnon, qui établit une sélection assez partiale. »
Le gros homme nous conduisit dans une salle remplie de tiroirs, chacun semblant fermé depuis plusieurs années, une étiquette pâle indiquant le contenu. Après quelques instants de recherche, Windmill en ouvrit un, et nous tendit un papier d'apparence récente. Holster eut une moue insatisfaite en le prenant, ce que le commissaire sembla apercevoir. Il se dandina nerveusement tandis que mon ami regardait l'arbre généalogique. Je jetais un œil à celui ci par dessus son épaule.
« Trop récent ! Cela ne nous apprendra rien...En avez vous un plus ancien ?
-Oui, bien sur, excusez moi Monsieur, je pensez que vous seriez plus satisfait de celui ci...C'est Oswald Cobbleput qui l'a fait dessiner, l'autre lui semblait trop abimé pour être bien présentable. Tenez, voici le plus vieux. »
Mon ami eut un fin sourire en prenant le papier jauni. Il le déroula ; l'arbre avait été complété à plusieurs reprises, comme le prouvait la diversité des encres utilisées et le degré d'effacement de certaines : on avait déjà repassé les plus vieilles afin qu'elles ne disparaissent pas. L'arbre s'arrêtait avec la génération d'Oswald, alors que le précédent mentionnait sa fille. Holster regarda un instant le graphique, puis se précipita vers la bougie la plus proche, éclairant un point précis du schémas.
« Holster, qu'est ce qu'il y a ?
-Regardez...Phillip Cobbleput, père d'Oswald, vous le voyez ? Bien, et ce vide à coté de son nom ?
-Il y en a plusieurs à travers l'arbre, tout simplement pour faciliter la lecture...
-Pour les autres, fort probablement....Mais regardez...Si on examine par transparence ce vide ci... »
Je sursautais.
« Il semblerait que quelque chose ait été effacé !
-Bravo, Wilkinson, parfaitement, on a enlevé un nom. On a voulu cacher que Phillip n'était pas fils unique.
-Et pourquoi donc ?
-Ah, cela n'a rien d'un masque de fer, c'est bien plus lâche ! Je vous laisse vérifier un instant si vous voyez d'autres blancs suspects...Commissaire, vous semblez vouloir nous aider, assistez donc mon ami dans sa tâche », dit-il à l'homme trépignant d'excitation à nos cotés. « Je ne vois rien d'autre de mon coté, mais si jamais ma vue me faisait défaut...
-Il n'y a rien, je peux vous en assurez...
-Magnifique, magnifique...Commissaire Windmill, merci beaucoup de votre collaboration, conservez précieusement ce document...Bien sur, je compte sur votre silence à propos de cette petite visite que nous venons de vous faire. Nous devons repartir, je ne m'étais je crois pas trompé...C'est grave. »
Le policier eut un geste de peur, et nous raccompagna nerveusement jusqu'à la sortie. L'homme au bureau nous ramena cérémonieusement nos masses, que Windmill contempla avec une admiration mêlée d'effroi. A la porte, Holster lui lâcha :
« Mais vous même n'avez rien à craindre, je pense. Ou ce serait complétement ridicule, et bien plus surprenant. »
Sur ce, nous sortîmes, et parcourûmes rapidement la rue à la recherche d'une calèche. Je retournais le problème dans ma tête, envisageant diverses théories qui toutes s'effondraient rapidement. Je ne questionnais pas mon ami, sachant qu'il ne révèlerait rien du fil de ses pensées avant que l'affaire n'ait trouvé son dénouement. Au détour d'une rue, alors que Holster hélait un fiacre, je vis avancer dans notre direction Ines Cobbleput.

VIII


Nous nous étions installés dans un des ces salons de thés que l'on pouvait observer en grandes quantités à travers la ville. Celui ci était de petite taille, mais confortable et lumineux : je savais que Holster l'avait choisi en grande partie pour cette dernière caractéristique. Il observait notre cliente, d'un regard toujours aussi perçant, sans négliger cependant l'absorption de son thé et des quelques gâteaux qui l'accompagnaient. Je profitais moi aussi des victuailles, mon expérience des enquêtes de Holster m'ayant appris que certaines nuits pouvaient se révéler fort agitées. Mon ami reposa enfin sa tasse de thé, et s'adressa à la jeune femme, qui sembla soulagée de voir ce silence enfin rompu.
« Que faisiez vous dans la rue, ainsi ?
-Mon père m'a demandé de lui acheter du tabac...Vous semblez fatiguée, madame.
-Je le suis, effectivement. Le voyage n'est pas des plus agréable, et assez long.
-Oui, mais je pense que le voyage n'est pas seul responsable de tout cela...Dormez vous bien ? »
Ines esquissa un mouvement de surprise. Le temps de reposer sa tasse de thé, elle avait déjà repris sa contenance.
« Eh bien...Oui, aussi bien que d'habitude ».
Mon ami se cala dans son fauteuil, ferma un instant les yeux, et reprit à voix basse :
« Je ne pose jamais de question qui ne soit pas importante, aussi étrange qu'elle vous semble.
-Tout ceci paraît vous inquiéter...Mon père va si mal que ça ?
-J'ai bien peur qu'il ne s'agisse pas que de votre père, madame. Des cauchemars ?
-Pas vraiment...enfin, je ne sais pas si on peut appeler ça comme ça, mais...Je vois régulièrement un escalier de pierre, et...J'en ai peur, assez peur pour me réveiller. C'est probablement stupide... »
Holster reposa son thé et ses gâteaux.
« Nous ne serons pas rentrés avant l'heure du repas...Bien, bien, il faudra jouer finement, Wilkinson... »
Les deux masses qu'il tenait à ses cotés me faisaient douter de ce qu'il entendait par le terme finement. Je tâtais doucement ma poche, et le contact de mon revolver me rassura.

IX


Nous rentrâmes au château pour le diner, comme l'avais prévu Holster. Je ne parvins pas à manger beaucoup, l'anxiété me nouant l'estomac : je remarquais qu'il en était de même pour Ines. Son père, au contraire, semblait avoir retrouvé son appétit, et il contemplait avec fierté sa fille tout en dévorant ce qu'il avait dans son assiette. Holster lui aussi mangea avec ravissement, sans sembler se soucier de tous les soucis qu'il supposait quelques heures plus tôt. Albertson était aussi à notre table, même s'il ne participait nullement aux conversations. Je supposais que lorsqu'il était seul, Oswald appréciait la compagnie du majordome pour ses repas.
Après le repas, les deux Cobbleput montèrent dans leur chambre respective, et je me dirigeais avec mon ami vers le salon, ou nous nous installâmes. Holster sortit un livre d'une de ses poches, et en entama la lecture, visiblement captivé. De mon coté, je faisais preuve d'une forte impatience, et ne parvenait que difficilement à rester assis.
Enfin, vers 21 heures, Holster referma son ouvrage, et se leva, m'adressant joyeusement la parole.
« Bien, Wilkinson, à cette heure ci nos trois amis doivent être bien endormis...
-Ils semblaient effectivement fort fatigués.
-Oui, et un peu de somnifère aide toujours à obtenir les résultats voulus. Et j'ai prescrit à chacun des doses qui devront les laisser dans leur sommeil jusqu'à demain matin sans le moindre problème...Maintenant que nous sommes tranquilles, allez récupérer les masses dehors...Vous auriez du manger plus, vous auriez repris des forces, ce n'est pas si simple de démolir un mur. »
Il se dirigea d'un pas vif vers le mur, et le regarda avec une excitation que je savais être la sienne lorsqu'il arrivait au point culminant d'une enquête. Je me dépêchai d'aller prendre les masses, que nous avions laissées dissimulées dans le jardin du château afin de ne pas inquiéter le propriétaire. Je remerciais intérieurement Inés de ne rien avoir dévoilé de nos emplettes. Lorsque j'arrivais dans le salon, Holster m'arracha presque une des masses des mains, trépignant maintenant d'impatience.
« Allons, Wilkinson, dépêchez vous un peu, vous voyez bien que cette histoire est fort sérieuse, nous n'avons pas le temps de plaisanter... »
Disant cela, il délimita du doigt une zone du mur.
« Oui, c'est probablement ici... »
Il donna le premier coup de masse. Je me joignis rapidement à son entreprise de destruction, et assénais des coups de mon arme avec le plus de force qu'il m'était possible. Très vite, je réalisais que le mur était fort solide, comme l'avait prévu mon compagnon : il allait nous falloir plus de temps que je ne le supposais afin de pratiquer un passage forcé. Au bout d'une demi heure, je commençais à ressentir vivement la fatigue, et l'avancée risible de nos travaux était peu encourageante : la pierre commençait à peine à se fissurer. Holster, de son coté, ne semblait pas s'épuiser, et continuait à asséner ses coups avec une régularité et une force égale. Voyant que je reposai ma masse, respirant lourdement, il se tourna un instant vers moi, ralentissant à peine son travail :
«James Cobbleput, père de Phillip a fait solidifier ce mur, semble-t-il. Il avait véritablement ses raisons d'empêcher que l'on entre dans cette pièce...Pour ce que j'en sais, il préférait également que l'on en sorte pas.
-J'avoue ne toujours pas saisir exactement tous les enjeux de cette histoire, Holster. Qu'est ce qui se cache dans ce passage secret ?
-Rien de bien joli, mon vieux, vous vous en doutez. Ce que l'on va affronter la, ce ne sera pas aussi amical que le fantôme de la comtesse d'Hudson...Une autre affaire qu'il est déplorable que vous n'ayez pas raconté, c'était finalement fort divertissant. »
Je me vexai un peu de cette nouvelle remarque sur mes chroniques.
« J'essaie, Holster, de mettre en valeur dans mes écrits vos remarquables talents, et cette affaire ne fait pas partie de celles ou vous en avez réellement donné une preuve éclatante.
-Eh bien, cela ne fut effectivement pas nécessaire, tout y était fort simple...Mais en révélant au public de telles histoires, vous donneriez une image bien plus complète de ce qu'est mon travail...Il n'est pas fait que de coup d'éclat...
-Et pour ce soir ?
-Pour ce soir, tout pourrait bien se passer, mais aidez moi je vous en prie, si nous parvenons à tout conclure dans la nuit, vous aurez bien le temps de vous reposer demain dans la journée, notre hôte n'aurait pas l'impolitesse de nous remercier aussi rapidement au vu de l'aide que nous allons lui fournir...Tenez, prenez juste le temps d'aller chercher ce délicieux whisky d'hier, la bouteille est dans le petit meuble près des fauteuils... »
Je fis comme l'avait demandé Holster, buvant moi même une longue gorgée du liquide avant de lui passer la bouteille. Je repris ensuite ma masse, et continuai notre entreprise, tentant de calquer mon rythme sur celui, rapide, de mon compagnon : sans y parvenir, malgré ma condition physique fort acceptable, je ne parvenais pas à fournir un effort aussi conséquent que le sien. J'avais toujours admiré cet aspect de sa personne qui pouvait le faire passer en un instant du calme le plus remarquable et du repos le plus total à un état d'agitation et d'effort éblouissant. Je supposai que cette dualité étrange s'exprimait également à travers ses humeurs. Il faisait d'ailleurs plus preuve de curiosité et d'excitation que d'une peur réelle, ce soir la : de mon coté, chaque coup donné contre le mur faisait croître mon appréhension.
Après encore un quart d'heure d'effort, nous avions enfin ménagé une fissure assez large dans le mur, et notre travail promettait de s'accélérer. Cependant, alors que j'allais me réjouir de cela en reprenant une gorgée du Whisky personnel de Cobbleput, je vis mon ami coller fiévreusement son visage contre la fissure. Une réelle inquiétude se lisait maintenant sur son visage.
« Non, ce n'est pas...Mon dieu, Wilkinson, vite, élargissez cette fissure, à tous les prix ! »
Il redoubla d'effort dans les coups de masse qu'il mettait, rejoint par moi même, gagné par son appréhension. La pierre affaiblie partait maintenant plus facilement, et bientôt la fissure fut suffisament élargie pour que mon compagnon puisse s'y faufiler. C'est ce qu'il fit, alors que je continuais à agrandir le passage pour moi même. Je l'entendis pousser un cri de dépit dès qu'il fut passé, puis plus rien : cela me rassura, car malgré la masse, des bruits de luttes ou un coup de feu auraient été perceptibles.
Quand enfin je pus passer, je réalisais enfin ce qui avait inquiété mon ami : le mur opposé, celui de la chambre, avait lui aussi était ouvert. Pas brutalement et à la masse, comme le notre, mais quelques pierres étaient posées sur les cotés. L'ouverture était bien assez large pour que quelqu'un passe debout sans la moindre encombre. Un chandelier était encore posé près de l'ouverture. Une des bougies était absente, et je supposai que Holster l'avait prise.
« Holster, vous allez bien ? »
Je ne reçus pas de réponse. Je fus vaguement inquiet. Bien entendu, il n'était pas rare que mon compagnon s'enferme dans le mutisme, mais cela voulait dire que quelque chose demandait la mobilisation de toute son attention, ce qui n'était pas une idée rassurante. Je pris également une bougie sur le chandelier, et commençai à descendre l'escalier.
« Edgard, vous allez bien ? »
Toujours pas de réponse. Alors que j'arrivai en bas des marchez, je devinai une pièce assez large. J'entrais, et vit mon ami affalé contre un mur visiblement abattu. Alors que je discernais mieux la pièce, mes yeux s'habituant à l'obscurité, je vis aussi le corps d'Ines, au sol, une corde encore serrée autour de son cou.

X


Holster finit la bouteille de Whisky, et but la moitié d'une seconde avant d'enfin s'asseoir. Sa résistance à l'alcool m'avait toujours impressionné, et son pas n'était même pas hésitant alors qu'il se dirigeait vers le fauteuil. Il s'était également remis de son abattement, et semblait décidé à en finir le plus rapidement possible. Je le rejoignis, alors qu'il commençait à m'adresser la parole, rapide et dans un état d'agitation contrôlée.
« Wilkinson, nous avons fait une erreur, une grossière erreur.
-Je ne vois pas bien comment nous aurions pu éviter cela, Holster.
-Comment ? Mais de mille façons différentes ! J'aurais du convaincre Inés de rester en ville pour la nuit...Oui je ne pensais pas que tout cela se passerait si tôt, idiot que je suis ! Si seulement elle avait dormi à l'auberge...Probablement que rien ne ce serait passé...
-Elle n'aurait pas accepté, de toutes façons. Et vous l'auriez inquiétée plus encore que ce qu'elle n'était déjà.
-Oui, eh bien voyez vous j'aurais préféré la voir inquiète que morte », dit-il en souriant cyniquement. « Et si seulement je n'avais pas voulu gagner du temps en enfonçant ce mur...Il aurait fallu que nous forcions un passage chacun de notre coté, nous aurions eu besoin de plus de temps, mais ainsi les accès possibles à cette salle auraient été bien surveillés ! J'ai joué en amateur, mon vieux. Dire que je ne suis pas venu tout de suite ici, à la réception du courrier...Je crois que j'ai sur évalué mes forces. Ce sera au moins une leçon d'humilité...
-Vous avez fait ce que vous avez pu, mon vieux...Et je crois que vous savez ce qui est responsable de tout ça ? Vous allez pouvoir y mettre fin, n'est ce pas ?
-Bien sur, bien sur, mais...Nous avons échoué, Cobbleput nous payait pour protéger sa fille... Mais vous avez raison...Avez vous votre revolver ? Oui, très bien...Je ne pense pas que nous risquions quoi que ce soit, mais soyons prudent tout de même, cette affaire ne se déroule pas sans accroc.... »
Il se dirigea vers l'escalier secret. Je le suivis, arme à la main, prenant également un chandelier afin de mieux voir que lors de notre première descente. Arrivé dans la salle ou l'on avait retrouvé le corps d'Ines, maintenant remonté, Holster se dirigea vers le mur du fond. A la lumière des torches, je vis alors une lourde grille de fer, que je n'avais pas remarqué auparavant. L'enquêteur essaya de la pousser, brièvement. Comme celle ci ne fit pas mine de bouger, il tira dans la serrure avec son révolver. L'écho de coup de feu me fit sursauter. La grille s'ouvrit dans un grincement, et Holster entra.
« C'est bien ce que je pensais, Wilkinson ! Tout ceci est loin d'être louable ! »
J'entendis un nouveau coup de feu, ce qui me décida à suivre mon ami. J'eus une hésitation en le voyant ressortir précipitamment de ce qui se révéla être une cellule. Malgré toute l'horreur de ce qui s'était passé durant la nuit, il semblait ravi de voir sa théorie vérifiée.
« Des cachots, mon vieux ! Des cachots !
D'un autre coup de feu, il fit sauter une nouvelle serrure, et entra dans la cellule qu'elle fermait, regardant rapidement la pièce à la lueur de la lanterne prise dans le salon.
« Non, rien ici non plus...
-Ce que vous cherchez est donc si simple à voir ?
-Oh, je vous garantis que nous ne le louperons pas. »
Il se dirigea vers une nouvelle cellule, et l'ouvrit de la même manière que pour les autres.
« Toujours pas la, toujours pas la...Aidez moi donc, vous !
-Je ne sais pas ce que vous cherchez...
-Et pourtant si vous le voyez, croyez moi bien, vous le saurez ! »
Sans chercher à le questionner plus, car je voyais qu'il n'allait pas m'en révéler plus pour le moment, je commençai à mon tour à explorer les cellules. Si au début j'essayai de les ouvrir avec propreté, je réalisai vite que toutes étaient fermées, et imitai donc mon compagnon. Peu après, le couloir prenait un tournant : toujours, des deux cotés, on voyait des cellules. Toutes celles que nous avions vérifiées pour le moment étaient complétement vides, si on exceptait les rats et les nombreux insectes. J'avais déjà vidé deux fois mon arme, et aller si loin dans les cachots ne me rassurait guère.
« Vous pensez qu'il y en a encore beaucoup, comme ça ? »
« Je pense que ces cachots couvrent l'intégralité des zones souterraines qui ne soit pas occupée par les caves. Ne vous en faîtes pas, j'ai beaucoup de balles en réserve, si vous en avez besoin...Nous touchons au but ! »
Je continuai donc. Après une dizaine de cellules, j'entendis mon compagnon crier de joie.
« Nous y sommes, Wilkinson ! Nous y sommes ! »
Je le rejoignis rapidement. Il examinait, dans un coin de sa cellule, le sol. En me penchant, je remarquai qu'il y avait une trappe grillagée, de petite taille : à peine de quoi faire tenir un homme. Au fond de celle ci, des ossements étaient entassés.
« c'est cruel...De telles mini cellules étaient probablement réservées aux prisonniers dérangeants. Imaginez ce que cela doit être de mourir ainsi, sans même pouvoir bouger...
-Comment saviez vous qu'il y aurait un tel mécanisme dans cette cellule ?
-Je ne le savais pas...Je pensais d'abord que nous trouverions le cadavre tout simplement au milieu d'une cellule, mais quand j'ai remarqué que chacune d'entre elles était dotée de ce petit mécanisme de torture, j'ai pensé qu'il était bien plus envisageable d'oublier un corps la dedans qu'au milieu d'une pièce assez large.
-Vous voulez dire qu'il y a de ces trappes dans toutes les cellules ?
-Eh bien, oui, évidement. Vous n'aviez pas remarqué ? »
Comme je ne répondais, Holster leva les yeux vers moi. Ma confusion devait se lire sur mon visage, car il éclata de rire.
« Ah, Ah ! Excusez moi, mon vieux, mais c'est bien trop drôle ! Dire que nous aurions encore pu tout louper par ce que je vous avais mal expliqué...Quelle ironie ! Et quelle chance nous avons ! Allons, aidez moi à ouvrir ça...Mon dieu, faîtes attention avec votre arme, n'allez pas abimer ce squelette plus qu'il ne l'est déjà...Voila...Maintenant, aidez moi à le prendre... »
Je me retrouvai ainsi avec des ossements dans les bras, tandis que Holster prenait bien soin de récupérer le moindre bout d'os tombé à terre.
« Allons, nous pouvons remonter...J'aurais du prendre un sac...Faîtes bien attention à votre chargement, il s'agit de ne pas en égarer un bout... »

XI


Quand nous arrivâmes dans le salon, nous vîmes que Cobbleput s'était réveillé. Il se tenait, immobile, des larmes coulant de ses yeux, auprès du corps de sa fille. Je voulus m'arrêter, mais Holster continua son chemin sans faire mine de s'occuper du vieillard.
« Wilkinson, allez chercher Albertson, vous devriez pouvoir le réveiller maintenant. Dîtes lui de s'occuper de son maître...Et rejoignez moi. »
Je mis un certain temps avant de retrouver le domestique, qui s'était endormi sur une des chaises de la cuisine. Il fut assez long à se réveiller : le somnifère utilisé par mon ami était visiblement fort efficace, et je songeai qu'il faudra que je lui en demande la composition. Je doutais qu'il me le dise, car Holster avait toujours tenu à préserver certains secrets. D'une certaine façon, il avait un coté théâtral non négligeable.
Lorsque je fus sur qu'Albertson allait pouvoir rejoindre son maître, je sortis, et trouvai Holster faisant les cent pas devant la porte.
« Vous en avez mis, un temps...Allez, venez ! Lui avez vous pris ses clés ?
-Vous ne me l'avez pas demandé...
-Non, effectivement, mais je pensais que...Que vous aviez compris ce que nous allons faire...
-Toute cette histoire reste fort floue à mes yeux, et j'aimerais bien que vous m'éclairiez dessus.
-Je suppose qu'alors il me faut parler...Au fond, il ne sert à rien d'attendre, je doute que notre client soit intéressé par le détail de ce qui restera exclusivement pour lui un désastre... »
Il partit d'un pas rapide à travers le jardin, tout en commençant son exposé.
« Voyez vous, j'ai commencé à saisir le problème en voyant que le château possédait six caves. Celles ci étaient soutterraines, et ne couvraient, comme vous avez pu le voir sur les plans, pas l'intégralité de la surfaces des autres étages du bâtiment. Ce n'est pas quelque chose d'unique, j'en convient, mais cela tendait à valider la possibilité qu'il y ait un escalier menant à des souterrains inconnus, et ne débouchant pas sur les caves.
-C'est ce qui vous à fait prendre au sérieux les rêves du vieil homme ?
-Ca, et ce que je vous ai déjà exposé : la porte condamnée, et la difficulté d'accès à la chambre opposée au salon. Après les vérifications que nous avons effectué hier matin, j'eus la preuve qu'effectivement il existait bien un escalier menant aux souterrains. Les caves, je les ai explorées dans la nuit, pendant que vous dormiez, j'étais donc déjà fixé : elles ne contenaient rien susceptible de faire avancer notre enquête, et leur taille correspondait exactement à ce qui était indiqué sur les plans.
-Les nuits sont toujours agitées quand vous êtes en enquête, Holster, je me suis toujours demandé si c'était indispensable ?
-Non, bien sur, la plupart du temps je pourrais aussi bien agir de jour, mais je trouve ça tellement moins excitant...N'avez vous aucun sens de l'ambiance ?
-Mes nerfs ne s'amusent pas de cela, non.
-Vous manquez quelque chose...Mais reprenons. Pourquoi y aurait-il des souterrains cachés dans un château ? Il me sembla fort probable que cela devait être un lieu ou l'on cachait soit un trésor, soit un ennemi. J'hésitai alors entre des cachots et...Cet espèce d'idéal rêvé, vous savez. Une sorte de salle au trésor. En tous les cas, le passage avait été bouché par le grand père d'Oswald, alors que Phillip Cobbleput était encore petit. De cela, je déduisis qu'il s'était déjà passé quelque chose à l'époque. Quelque chose d'assez fort pour que le père de Phillip empêche de sortir de cette pièce...Car je pense qu'il avait surtout peur qu'on en sorte.
»Des cauchemars ne sont pas une raison suffisante pour entreprendre des travaux longs et couteux, et mettant d'une certaine façon à mal la tradition familiale de respect à son patrimoine. Il s'était passé quelque chose de bien plus fort. Or, quelle semblait être la suite logique des rêves d'Oswald ?
-La mort de sa fille...
-Exactement. Il me paraissait fort probable que James Cobbleput avait lui aussi rêvé de la mort d'un de ses enfants, dans ce passage...Enfants qui ne connaissaient probablement même pas l'existence de cet escalier, mais quelque chose parvenait à les y attirer. Quelque chose qui résidait probablement dans ce souterrain, sinon il n'aurait pas pris la peine de déplacer ses victimes. Après la vérifications que vous m'avez vu faire au poste de police, je sus avec certitude qu'un frère...Ou une sœur, pour ce que cela importe, de Phillip était mort. Et probablement jeune, car il semble que Phillip ait tout ignoré de cela. Ou alors il était un excellent menteur, doublé d'un imbécile pendable...Nous y voilà... »
Nous étions arrivé face à une grange, que je devinai être une remise à outil. Pendant un moment, je me demandais quand Holster avait pu apprendre son existence.
« Il n'y avait rien qui permette le jardinage dans les caves, j'ai donc recherché un peu cette grange la nuit dernière...Je prépare toujours mon terrain de jeu, c'est un gain de temps considérable dans de tels instants. Si encore nous avions les clés...Eh bien je devine que beaucoup de serrures auront subi le même traitement cette nuit... »
Il sortit son revolver, et fit sauter la serrure du local. Il entra rapidement, et ressortit presque aussitôt avec deux pelles et une grande boite de bois.
« Mettez les ossements la dedans...Très bien...Je vous ai pris une pelle à vous aussi, à force de m'accompagner dans mes petits périples, je suppose qu'un enterrement n'est plus quelque chose qui vous semblera étrange. Allons, j'aurais du me méfier avec mon arme, cette porte ne ferme plus...Mais bastes, Albertson a assez bien caché son argent pour qu'un voleur lambda ne le trouve pas, même si la porte reste ouverte... Ne faîtes pas cette tête la, Wilkinson, c'est juste un petit pécule probablement gardé sur la paye que lui verse son maître...Ne vous laissez pas déconcentrer par ces petites choses, vous vouliez entendre la suite de mon récit, je crois ? »
J'approuvai, tout en essayant de suivre mon ami dont le pas se faisait de plus en plus rapide et enthousiaste.
« James Cobbleput a donc vu mourir un de ses enfants à cause de ce qui voulait maintenant s'attaquer à la fille d'Oswald. D'ailleurs, imbécile que j'ai été...Ce squelette est féminin, j'en suis sur...Il est donc probable que c'est sa fille que James a vu mourir...Ce n'est qu'une supposition, mais cela me semble expliquer pourquoi nous ne notons aucun décès suspects dans la fratrie d'Oswald, qui n'a eu que des frères...Enfin, cela n'a que peu d'importance.
» J'avoue avoir un peu joué de vous lorsque nous étions dans la salle des archives. J'étais parfaitement certain que vous ne trouveriez aucun espace blanc suspect autre que celui que j'avais déjà signalé, sur l'arbre généalogique. Mais je tenais à vous occuper quelques secondes tandis que je prenais ceci...La véritable raison de ma visite à ce monsieur Windmill, aussi charmant soit-il... »
Il me tendis une liasse de papiers. Je m'apprêtai à les regarder de plus près.
« Vous lirez ça plus tard, je ne compte de toutes façon pas les rapporter, et je doute qu'ils soient réclamés un jour. Ces papiers apportent la preuve que ce château abritait des cellules : et que celles ci étaient utilisées comme prison par le gouvernement, qui reversait pour cela une certaine somme d'argent à la famille Cobbleput. Des prisons qui devaient abriter des personnes que l'on voulait punir fort sévèrement, de ce que nous en avons vu l'état des cellules est des plus déplorable, et je doute qu'autre chose que les grilles ait jamais été refait depuis la fondation du château...Tout cela n'était pas vraiment un secret, mais je pense que les personnes concernées par ce...Commerce préféraient ne pas trop ébruiter l'affaire. En tout cas, James n'en a jamais parlé à ses fils, et Oswald n'a pas la moindre idée de l'existence de ces geôles...Du moins n'avait pas la moindre idée, j'ai bien peur qu'il ne fasse une petite visite des locaux en ce moment même...Un mur abattu à la masse menant à un escalier secret, vous comprendrez que ça intrigue...Ici, ce sera très bien. »
Nous étions parvenus en dehors des murs du château. Holster avança encore un peu, avant de s'arrêter au milieu des arbres.
« Eh bien, je suppose que nous avons un choix assez large de lieux ou creuser...Allons y, du nerf ! Tout cela est bientôt fini. »
Il commença à creuser. Je l'imitai, et nous dégagions assez rapidement un trou. Holster continua ses explications pendant cette entreprise :
« Donc, j'étais fixé sur les géoles. Vous noterez à quel point cette petite aventure décevrait tous ces adeptes de la Famille anglaise traditionnelle parfaite...Je pense que tout le monde à ses petites tâches, n'est ce pas ? Je vous en prie, ne parlons pas des miennes ici. Continuons donc...Tout me sembla ensuite fort logique. Ce n'est d'ailleurs plus quelque chose de réellement surprenant, Wilkinson, et même vous devez avoir saisi toute cette histoire.
-Un fantôme, je suppose. On n'a donc pas eu tort de faire appel à vous...
-Honnêtement, je ne pense pas que mon intervention ait été vraiment utile. Tout ce que je peux faire, c'est calmer l'esprit, si vous voulez bien admettre l'expression.
-Je vois bien l'idée de tout ça : par erreur, un corps a été laissé dans sa cellule...Erreur difficilement justifiable, en soi, mais je l'admet.
-Pas si difficilement : je suppose que le maître du château ne descendait jamais dans les prisons, et que quelques policiers des rangs les plus bas se chargeait d'amener et de faire repartir les condamnés. Or les archives à l'époque étaient encore plus floues qu'aujourd'hui...Vous n'aurez qu'à regarder ces papiers, nous avons beaucoup de dates d'entrée dans les geôles, accompagnées d'une preuve du paiement fait à la famille Cobbleput, mais les dates de sorties sont peu nombreuses. On ne prenait pas la peine de les noter, ou bien les prisonniers mourraient en cellule...Il suffisait alors qu'il y ait un problème de communication entre les policiers qui amenaient les prisonniers pour qu'un corps laissé dans une cellule un peu isolée soit oublié...Surtout si caché dans ce petit compartiment que vous même n'aviez pas remarqué...Vous n'êtes pas une référence en cette matière, mais enfin il vous est déjà arrivé de noter des détails que la plupart ne voyaient pas. Cela devrait suffire, mettez les ossements dedans...Laissez les dans la boîte, merci ».
Je déposai la boîte contenant le squelette au fond du trou que nous avions creusé. Je supposai que malgré ses dires, Holster avait choisi cet emplacement autrement que par le hasard : la terre m'en avait semblé particulièrement facile à évacuer. Peut être aussi étais-ce par comparaison avec notre tâche autrement plus fatigante de démolition du mur.
« La suite,est-il besoin de vous la préciser ? », continua mon ami tout en entreprenant de reboucher la tombe. « Le cadavre oublié l'est resté longtemps...Et comme nous l'avons déjà constaté dans de tels cas, l'esprit à tenu à...Non je ne dirais pas à se venger...Mais plutôt à implorer sa libération. Évidement, il y avait de la haine dans ses agissements, mais peut-être aussi une volonté de se faire remarquer. Sinon, il aurait pu tuer bien plus de monde, je vous le garantis. Mais James Cobbleput n'a pas réagi comme il l'aurait fallu : il a juste fait vider ces cellules, arrêtant son commerce, ce qu'il pouvait bien se permettre au vu de ses revenus extérieurs, et à fait complétement fermer l'accès aux prisons. Je suppose que l'entrée utilisé par sa fille morte était celle de la chambre, c'est pourquoi il a rendu l'accès à cette pièce des plus compliqués. Et pourquoi il a plus spécialement fait reconstruire le mur de ce coté, et pas de celui du salon.
-Mais pourquoi ne pas tout simplement avoir interdit l'accès à la chambre ?
-Je suppose qu'il voulait venir s'y recueillir...Quelque chose qui y ressemble, en tous cas. Bien sur, c'est stupide, mais la tristesse et la peur font souvent agir sans discernement, nous avons hélas de nombreuses occasions de le remarquer, à tout moment. Ceci dit, je ne pense pas que fermer complétement l'accès à cette salle ait changé quoi que ce soit, et l'esprit se serait tout de même manifesté auprès d'Oswald. Après tout, il a bien su dépasser le cadre de sa prison. Eh bien, je crois que cela est fort bien, Wilkinson. C'est suffisant, vous pensez ?
-J'en ai l'impression.
-Tout est donc terminé...Laissons le enfin en paix... »
Nous repartîmes vers le hangars, afin d'y déposer les pelles. Nous marchâmes un instant en silence, puis mon ami reprit, avec un naturel qui indiquait qu'à ses yeux, cette enquête était bien terminée.
« Je demanderais, par prudence, à Cobbleput de faire vérifier toutes les cellules, des fois qu'il y en ait un autre...Mais cela m'étonnerait fort...Et il faudra suggérer à Albertson de remettre un loquet à cette porte, ce serait tout de même plus prudent, et bien moins irresponsable. Eh bien, nous n'avons plus qu'à récupérer nos affaires. Si nous parvenons à atteindre la ville avant qu'il ne soit huit heures, nous pourrons être rentrés sur Londres dans la soirée. »

XII


Nous nous contentâmes de récupérer nos affaires au château des Cobbleput, sans chercher à parler à notre client. Nous ne revîmes qu'Albertson, qui nous raccompagna sans un mot jusqu'à l'entrée du château. Holster avait laissé ses instructions au vieux domestiques, avec ordre de les appliquer avec soin.
Mon ami avait eu raison : Oswald n'eut plus jamais de vision durant les quelques années qu'il lui restait à vivre -quatre seulement, je suppose que le chagrin était autant responsable de son décès que la vieillesse-, et la fille d'Inés est toujours en vie actuellement, d'après ce que j'en sais.
Dans le train qui nous raccompagnait à Londres, Holster parvint à s'assoupir : ce n'était pas mon cas, et toute l'histoire me restait en tête. Mon compagnon finit par ouvrir un œil, et lâcha :
« Eh bien, vous ne vous habituez pas aux petits échecs ? Oui, c'en est partiellement un, je n'ai pas de raisons de vous rassurer la dessus...Mais ce n'est pas le premier, et nous en vivrons d'autres.
-Ce n'est pas souvent, pourtant, qu'il y a des morts à cause de notre lenteur.
-Je vous garantit que cela m'est déjà arrivé...Effectivement, quand j'y repense, vous étiez rarement la à ces occasions. Je suppose que vous n'avez pas assisté à mes pires échecs. Sans ça vous ne me respecteriez pas autant...Et vous ne m'élèveriez pas au rang de meilleur de ma profession.
-La modestie vous va assez mal, Holster.
-Oui, je suppose, effectivement », dit-il avec un petit rire. « Je tiens d'ailleurs à ce que vous relatiez cette histoire, quand Oswald sera décédé. Je ne voudrais pas lui infliger cette douleur...Mais je pense qu'elle est intéressante, et cela changera de mes succès aux yeux de votre lectorat, qui finirait par s'en lasser...
-Bien sur...
-Allons, allons, soyez un peu plus joyeux que ça ! Ce soir, nous trouverons un restaurant pour notre repas...Après tout, il y a assez d'argent la dedans... »
Il me lança le journal de Cobbleput. A l'intérieur se trouvait une imposante liasse de billets, ainsi qu'un mot précisant qu'ils étaient à notre intention.
« Oswald est un homme honnête, si pas un peu stupide...Mais pour nous, c'est positif ! Et je ne regrette pas ce déplacement... »
Puis, il referma les yeux et se rendormit, avec sa tranquillité toute professionnelle, celle de celui qui estime avoir fini son travail, et pouvoir se reposer en attendant qu'on face à nouveau appel à lui. Je songeai que cela ne saurait tarder, comme toujours.


Le texte était trop long pour un seul post...
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MessageSujet: Re: La Femme au bas de l'escalier.   La Femme au bas de l'escalier. Icon_minitimeMer 19 Jan - 17:23

Bon j'ai tout lu et un constat s'impose: c'est très prenant et très bien ficelé tu dis ne pas avoir accordé grande importance à l'enquête je la trouve cependant passionnante. Il faut bien dire que le duo de personnages principaux est excellent et porte a merveille l'ensemble du récit mais c'est de la également que pour moi viens le défaut majeur du texte.

Le problème est que comme tu l'as souligné l'écriture fine, les personnages attachants et l'intrigue solide sont malheureusement un peu occultée par la référence à Sherlock Holmes même moi qui ne l'ai pas lue je la trouve très prégnante jusque dans l'addiction aux narcotiques qu'on peux imaginer dans le passage de la chambre ou le côté misanthrope du personnage.

Quoiqu'il en soit je pense que tu n'as pas a rougir du texte, on retrouve avec plaisir, et un traitement ma foi fort bon, de tes sujets favoris l'altérité et la morbidité.
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MessageSujet: Re: La Femme au bas de l'escalier.   La Femme au bas de l'escalier. Icon_minitimeMer 19 Jan - 17:30

Oui, l'addiction aux narcotiques est supposée, effectivement. Dans la relation de Holster et des écrits de Wilkinson, encore une fois, c'est fort repris de Holmes. Effectivement, niveaux personnages, du coup, je ne présente rien de bien nouveau, c'est pourquoi si je les reprends un jour je voudrais les faire évoluer, afin qu'ils se distinguent un peu plus de leurs modèles.

Citation :
Bon j'ai tout lu et un constat s'impose: c'est très prenant et très bien ficelé tu dis ne pas avoir accordé grande importance à l'enquête je la trouve cependant passionnante.

Eh bien, merci, je ne m'attendais pas à ce que ce point fonctionne.

Citation :
Quoiqu'il en soit je pense que tu n'as pas a rougir du texte, on retrouve avec plaisir, et un traitement ma foi fort bon, de tes sujets favoris l'altérité et la morbidité.

Eh bien, encore une fois ces thèmes se sont un peu imposés à moi, comme quoi l'auteur ne se contrôle pas tant que ça.^^

Merci de ta critique, ça fait toujours plaisir à lire !
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